Le monde des symboles, leurs descriptions et interprétations à travers les âges et les civilisations. Dictionnaire évolutif et entièrement gratuit.
Résumé
La cendre symbolise l’humilité, la mortification, la pénitence, l’annihilation, la régénérescence, la fertilité de la terre, le principe yang.
La cendre est le résidu d’un corps organique après sa calcination. Les cendres sont poussières inertes, sans vie car celle-ci s’en est allée avec l’extinction du feu. Elles se dispersent au vent et se répandent sur la terre ou se dissolvent dans l’eau. La cendre nous renvoie à notre peu d’importance, notre misérable et éphémère condition humaine. Elle nous invite à observer l’humilité devant l’Univers. La cendre est ce qui reste de ce qui a été vivant.
L’absence de vie ne signifie pas obligatoirement la mort qui, elle, peut être considérée comme une autre forme de vie. La cendre représente le néant, ou plus exactement le ni-vivant-ni-mort, un état amorphe tel qu’il était avant la Création de l’univers selon différents mythes.
Mais la cendre est aussi devenue, au XXe siècle, un symbole de destruction totale : une ville réduite en cendres par les bombardements, la Shoah et ses fours crématoires, les bombes nucléaires, toutes évoquent l’annihilation, la désolation et la mort à grande échelle, l’extermination, l’horreur.
Le feu qui couve sous la cendre est un feu caché, le feu de vie invisible à nos yeux et qui est sacré. Dans ce cas, la cendre est encore chaude et maintient la vie, elle la protège. La cendre partage ici le symbolisme de la grotte et de la caverne, ainsi que de la matrice. Mais si l’on jette de l’eau sur cette cendre, le liquide éteint la braise et détruit le feu vital ; il ne laissera que de la matière inerte et froide. C’est pourquoi la tradition chinoise fait un distinguo entre cendre sèche et cendre humide. « Selon Lieu-Tseu, la vision de cendres humides était un présage de mort » [1].
Toutefois, dans de nombreuses cultures, la cendre humide garde tout son pouvoir de régénérescence. Les ascètes indiens couvrent leur corps de cendre humide. Cette cendre est la nourriture du dieu du Feu.
La cendre est associée au principe yang, au soleil, à l’or, au feu, ainsi qu’à la sécheresse. Dans certains rituels, la cendre est utilisée pour obtenir la pluie [2]. L’eau est son élément opposé, mais aussi son complémentaire. Le feu symbolise l’Esprit, principe masculin ; l’eau symbolise l’Âme, principe féminin.
Par le feu, le corps du défunt se réduit en cendres que l’on conserve dans une urne funéraire. C’est tout ce qui reste du mort après sa purification. Dans certaines culture, on mêle les cendres funéraires à de la nourriture, ou à une boisson pour absorber les vertus du mort [3].
Au Tibet, les lamas mélangent la cendre des saints à de l’argile pour en faire des statuettes de Bouddha.
Autrefois, et encore de nos jours dans certaines régions du monde, avant de semer, les paysans versaient de la cendre dans leurs champs pour fertiliser le sol ; ils en mélangeaient aux grains des silos pour les prémunir de la putréfaction. On se servait de la cendre pour rendre le linge plus blanc. Elle est douce, fine, très légèrement abrasive, absorbe et dissout les graisses, raisons pour lesquelles elle entrait autrefois dans la composition des lessives et du savon. La cendre nettoie, purifie. Elle sert aussi à rendre brillant certains métaux (cuivre, laiton, argent).
Religions
Dans la Genèse, Abraham s’exprime ainsi : Je suis bien hardi de parler à mon Seigneur, moi qui ne suis que poussière et cendre (Gen. 18, 27), c’est-à-dire pas grand-chose. Poussière et cendre représentent ici l’humilité dont on doit faire preuve en s’adressant à Dieu.
On trouve dans la Bible d’autres sens symboliques à la cendre, ceux de la mortification et de la pénitence. La coutume des peuples sémites (Hébreux, Arabes) de se répandre de la cendre sur la tête en signe de repentir est décrite dans le deuxième livre de Samuel - 13, 19 : Ammon fils de David viola sa sœur Tamar et la chassa de sa maison. Déshonorée, Tamar répandit de la cendre sur sa tête et déchira sa tunique de princesse.
Le premier jour du carême chrétien, le mercredi des Cendres, le prêtre trace une croix sur le front des fidèles. Le rituel du mercredi des Cendres (jour de Mercure, Hermès) arrive après le jour de Mars, dieu de la guerre (le mardi) et révèle un symbolisme alchimique. Il symbolise la dissolution du corps [4]. Le carême, période de pénitence, culmine avec Pâques, jour de la Résurrection.
Alchimie
En alchimie, la cendre, comme le sel, est une manifestation de l’albedo (l’œuvre au blanc), la « terre blanche foliée » issue de la combustion des impuretés. « Une fois le désir libéré de la compulsion, l’amertume peut devenir sagesse ». La cendre est la substance du « corps incorruptible » ou « diadème du cœur », la « simplicité paradoxale de la connaissance de soi » [5].
Le Phénix
Renaître de ses cendres, tel le phénix, sous-entend que l’étincelle de vie est toujours présente dans la cendre. Elle est donc indestructible et permet la régénération. Le feu caché sous la cendre, incorruptible est symboliquement similaire à cet os du talon du Christ nommé luz par les alchimistes [6].
Notes et références
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[1] Chevalier, Jean ; Gheerbrant, Alain,Dictionnaire des symboles, Laffont / Jupiter, Paris, 1982.
[2] Ibid.
[3] Collectif – The archive for research in archetypal symbolism, Le livre des symboles, Réflexion sur des images archétypales, Taschen, Cologne, 2011, Cendres.
[4] Le grand Robert de la langue Française, Paris, 2001, tome 1, Cendre.
[5] Collectif – The archive for research in archetypal symbolism, op. cit.
[6] Lire à ce sujet Catherine Pierdat, L’Île Sacrée, Editions RDM, Villeurbanne, 2011.