Le monde des symboles, leurs descriptions et interprétations à travers les âges et les civilisations. Dictionnaire évolutif et entièrement gratuit.
La boue possède deux aspects. Son premier aspect nous est donné par son étymologie. Le mot boue, en effet, provient du gaulois bawa (gallois : baw) qui signifie fange, saleté [1]. Les expressions « se vautrer dans la boue », ou encore « être tiré de la fange » illustrent bien sa dimension péjorative. Elle est alors synonyme de souillure, de sale, d’immonde, de déchets, de puanteur. Elle n’est pas seulement composée de terre et d’eau, cette boue-là contient ce qu’il y a de plus vil : urine, excréments, pourriture, animaux et végétaux en décomposition.
Dans son aspect positif, elle est la matière première de l’œuvre alchimique. Les alchimistes ont parfois donné ce nom [de boue] à leur matière première mais Philalèthe nous apprend que l’on ne doit appliquer ce terme que lorsque la matière est en putréfaction [2].
La boue protège. L’éléphant et toute sorte d’animaux se roulent dans la boue ou s’en aspergent la peau pour se protéger de l’ardeur du soleil et des piqures d’insectes.
Lors de la crue du Nil, en, Egypte, un limon fertile est déposé sur les terres agricoles.
L’eau mélangée à la boue est dite « impure » ; elle est ainsi lorsqu’elle est agitée, mais si on la laisse au repos, on obtient par décantation, une séparation des deux éléments : la terre se dépose au font du récipient, et l’eau reste au dessus, à nouveau pure. Quant à la terre, cette boue séparée de son eau, elle devient une matière noble et malléable. Sur le tour du potier, elle sera pétrie, façonnée, sublimée en d’admirables vases, pots ou autres récipients. Elle subira ensuite le séchage complet, c'est-à-dire que toute son eau sera évaporée, puis viendra le temps de la cuisson, de la transmutation de la matière par le feu et le four. Ainsi cette boue, (terre + eau) aura subit une première transformation (séchage par air), puis une seconde par le feu. Parfois, l’objet réalisé n’aura aucune utilité autre que de procurer le plaisir des yeux, ce sera une œuvre d’art, figurative ou abstraite. Tel le démiurge dans la Genèse, l’artiste fera sortir de la glaise molle un être humain ou un animal. Dans la Genèse (2, 7), Adam, le premier être humain est modelé dans la boue. Celle-ci est rouge, comme la terre d’Eden.
Dans l’église Saint-Sulpice à Paris, on peut lire à la septième station du chemin de croix : Retire-moi de la bove (boue) que je n’y reste pas enfoncé. PS LXVIII. Cette phrase est tirée du psaume 68 de la bible hébraïque et 69 de la Bible latine. Elle illustre notamment la quatrième des Sept Paraboles du Splendor Solis, traité d’alchimie enluminé [3]. Cette quatrième parabole porte le titre de Résurrection hors du marais. Elle représente un homme entièrement nu et couvert de boue rougeâtre qui est la couleur du Soufre des alchimistes, ainsi que celle d’Adam qui a été, lui aussi, tiré de la boue.
On ne peut rien tirer de la terre sèche qui n’a pas été dynamisée, fécondée par l’eau. De même l’eau, lorsqu’elle ne rencontre pas le réceptacle et la matrice que représente la terre, ne fait que couler et s’étendre sans rien fertiliser. Son symbolisme, dans certains aspects, est proche de celle de la cendre.
Notes et références
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Sources générales :
Chevalier, Jean ; Gheerbrant, Alain, Dictionnaire des symboles, Laffont / Jupiter, Paris, 1982.
Normand, Henry, Dictionnaire des symboles universels, Dervy, Paris, 2005, tome 1.
[1] Le Grand Robert.
[2] Dom Antoine-Joseph Pernety, Dictionnaire Mytho-Hermétique, 1787, Article Boue.
[3] Catherine Pierdat, L’île sacrée, RDM éditions, Villeurbanne, 2011, pp. 288-289.