Le monde des symboles, leurs descriptions et interprétations à travers les âges et les civilisations. Dictionnaire évolutif et entièrement gratuit.
La bouche contient la langue et les dents. Elle est constituée de lèvres à l’extérieur. C’est de la bouche que sortent les sons, la parole, le verbe. Elle permet de souffler, de s’alimenter, de se désaltérer, de parler, de chanter, de rire, de crier, de hurler, de goûter. A la naissance, elle reçoit le premier souffle, le souffle de vie. A la mort, elle expulse le dernier souffle.
C’est le seul orifice de la tête qui soit unique. Les autres se regroupent toujours par deux : deux yeux, deux narines, deux oreilles.
La bouche est rouge, tant à l’intérieur (la cavité buccale) qu’à l’extérieur (les lèvres). La couleur de celles-ci peut être rehaussée par le rouge à lèvres. On l’appelle gueule lorsqu’elle appartient à un animal, cependant le cheval, par sa noblesse, déroge à la règle. Il est le seul quadrupède, nous dit l’Encyclopédie Diderot et d’Alembert, à qui on donne une bouche et non une gueule [1].
Il est à noter qu’en héraldique, le rouge se dit « de gueules », et lorsqu’un animal attrape un personnage dans sa gueule, on utilise le terme d’engoulant, c’est-à-dire, tenir dans la goule. Mais engoulant ne signifie pas toujours « avalant », aussi dans le cas de la guivre ou vouivre, le petit homme (enfant ou adulte) qui parait être « avalé » par le serpent est nommé dans le langage héraldique « issant », du vieux français isser qui signifie « sortir ». C’est pourquoi l’écu des ducs de Milan se blasonne ainsi : d’argent à la guivre d’azur mise en pal, torsée de sept tours, couronnée d’or, l’issant de gueules. L’homme en rouge sort de la gueule de la guivre. Cette dernière étant un symbole de la déesse Terre-Mère, elle régurgite le petit homme. Celui-ci ressuscite. D’un point de vue hermétique, il possède la couleur du soufre. Il sort de la terre humide, la matière première de l’œuvre alchimique.
En latin, la bouche, buca, possède la même étymologie que boucle et bouclier [2]. Elle évoque le cercle, le rond, l’O, ou, à l’opposé, la fente, la barre horizontale —. Associés, ces deux signes désignent le Sel en alchimie. On peut avoir la bouche en « cul de poule » et faire des ronds de fumée avec une cigarette.
La bouche est une porte qui laisse entrer ou sortir. Cette double fonction rappelle la clé qui permet d’ouvrir ou de fermer la porte. Par analogie, on nomme bouche l’estuaire d’un fleuve. Celui-ci peut d’ailleurs en posséder plusieurs, comme par exemple les Bouches du Rhône. En spéléologie, de nombreux gouffres et grottes portent le nom de « bouche de l’enfer ». On parle aussi de bouche de canon, de bouche d’égout, de bouche d’aération.
La bouche est une grotte, une caverne chaude et humide. Elle est un symbole de la Déesse Mère et de l’utérus, c’est-à-dire la matrice. Et comme la grotte, c’est en elle que vit le serpent ou le dragon, gardien du trésor. Dans la bouche, c’est la langue qui jour ce rôle. Le trésor, c’est le verbe créateur. La parole et le verbe sont conçus à l’intérieur de la bouche puis sont expulsés à l’extérieur. Au début de sa vie, l’enfant pleure, puis babille, et plus tard, après un long entrainement, il pratique le langage articulé.
Organe de la succion chez le fœtus et le bébé, la bouche deviendra une zone érogène sans distinction de sexe chez l’adolescent et l’adulte. Elle est un symbole de sensualité et un outil de séduction.
En règle générale, « le baiser implique l’affection, la bénédiction, la reconnaissance, la réconciliation » [3] et le désir sexuel. Le baiser est un signe d’alliance (entre parents), d’hommage (roi ou conquérant), de respect et d’humilité (reliques) [4]. En Occident, les mariés s’embrassent devant l’autel. Au Moyen Âge, au cours de messes noires, les disciples du diable donnaient un baiser sur l’anus du bouc ou de tout autre représentant de maître des ténèbres [5]
Religions antiques
Le Verbe est créateur. Dans la Genèse des Hébreux, le Verbe dit : — Que la lumière soit !
Et à cet instant, la lumière fut. Chez les Egyptiens, on pratiquait l’ouverture du nez, de la bouche, des oreilles et des yeux sur le défunt afin qu’il puisse en user dans l’Au-delà et y vivre. Cette cérémonie était un rituel symbolique.
Dans l’allégorie de la Renommée, la déesse possède cent bouches, cent oreilles et cent yeux.
Christianisme
Matthieu (15, 11) cite une parabole du Christ : « Ce n’est pas ce qui entre dans la bouche qui souille l’homme ; mais ce qui sort de la bouche, c’est ce qui souille l’homme. ». L’explication nous est donnée plus loin (Mt 15, 17-19) : « Ne comprenez-vous pas que tout ce qui pénètre dans la bouche passe dans le ventre, puis s’évacue aux lieux d’aisance, tandis que ce qui sort de la bouche procède du cœur, et c’est cela qui rend l’homme impur ? Du cœur, en effet procèdent mauvais desseins, meurtres, adultères, débauches, vols, faux témoignages, diffamations ».
Ailleurs, dans les Evangiles, Judas donne au Christ le « baiser de la mort, signe de sa trahison » [6]
François d’Assise donne le « baiser de paix » à un lépreux défiguré. Ce fut un véritable baiser d’amour spirituel [7].
Dans l’usage ecclésiastique catholique, selon Diderot et d’Alembert, « ouvrir et fermer la bouche d’un cardinal, c’est une cérémonie qui se fait en un consistoire secret, où le pape ferme la bouche aux cardinaux qu’il a nouvellement nommés , en sorte qu’ils ne parlent point quoique le pape leur parle : ils sont privés de toute voix active et passive jusqu’à un autre consistoire, où le pape leur ouvre la bouche, et leur fait une petite harangue, pour leur marquer de quelle manière ils doivent parler et se comporter dans le consistoire » [8].
Islam
A la Mecque, les pèlerins musulmans déposent un baiser sur la Kaaba, comme le fit le prophète Mohamed [9].
Dans le folklore du langage, la bouche est béante, fantasque et castratrice. C’est celle de l’ogresse qui avale ses victimes [10].
Au contraire, dans le symbolisme littéraire, la bouche est considérée comme la forme la plus accomplie. Elle représente le point géométrique de la personnalité de l’individu.
En Perse, elle est comme « une cassette de pierreries » [11].
Notes et références
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[1] Encyclopédie Diderot et d’Alembert, 1751, article « Bouche ».
[2] Souzenelle (de), Annick, Le symbolisme du corps humain, Dangles, Paris, 2009.
[3] Collectif – The archive for research in archetypal symbolism, Le livre des symboles, Réflexion sur des images archétypales, Taschen, Cologne, 2011, p. 374.
[4] Ibid.
[5] Ibid.
[6] Ibid.
[7] Ibid.
[8] Encyclopédie Diderot et d’Alembert, op. cit.
[9] Collectif – The archive for research in archetypal symbolism, Le livre des symbols, op. cit.
[10] Chebel, Malek, Dictionnaire des symboles musulmans, Albin-Michel, Paris, 1995.
[11] Ibid.